RIC-RAC


RIC-RAC
pour un comédien - durée 90 minutes

RÉSUMÉ DE L'ACTION :

Louison est un célibataire bricoleur, toujours prêt à rendre service, ce qui lui vaut la reconnaissance de la gent féminine de l'immeuble. Mais ça ne lui va pas. C'est d'un autre amour qu'il rêve, un amour tendre et sincère. Est-ce encore possible dans ce monde agité et bruyant qui l'entoure ? Après avoir changé le verrou de Pierrette, la voisine du sixième, il se laisse entraîner en boite par son copain, le Léopard. Malgré des efforts d'habillement (chemises dragon) l'entreprise ne donne pas les résultats escomptés (conquérir des femmes).
De retour à l'immeuble, ils se rassemblent chez Pierrette. Une affabulation de Louison sur une prétendue inondation des caves oblige les uns et les autres à fuir. Louison et Pierrette se réfugient sur le toit. Là il lui avoue maladroitement son amour, puis sombre dans un accès de jalousie envers le Furet (ancien copain de Pierrette). Celle-ci se met en rage, ce qui provoque une furieuse excitation chez Louison. S'ensuit une scène d'amour torride.
Avec Hardy, un ancien compagnon de chantier, Louison se rend à "Metallico" où il y a embauche. Ils sont recrutés pour un travail extrêmement dangereux mais, très bien payé. Le Léopard entraîne à nouveau Louison dans une aventure. Il s'agit d'aller, en compagnie de Séraphine, sa copine occasionnelle, dans un endroit mystérieux qui se révèle être le "Salon Erotika". Là ils assistent à un strip-tease africain par Séraphine et ses copines, mangent des sandwiches aphrodisiaques au stand des gays et retrouvent Pierrette qui milite pour la libération de la femme.
Sur un nouveau chantier il fait la connaissance de Lulu, qu'il a déjà vu quelque part, mais où ? Lulu propose à Louison d'être son copain et déploie des perspectives alléchantes de bricolages divers et de réparations de voitures en commun. Louison qui juge, peut-être à tort, Lulu solide, clean et réconfortant, pense qu'il pourrait avantageusement remplacer le Léopard, vraiment trop barge.

EXTRAITS :

12/1

Le Léopard est passé dans l'après-midi. Il avait idée de trouver une femme et que moi ça me ferait du bien d'en trouver une aussi. Donc, d'après lui, il fallait commencer par s'acheter des chemises et des calçifs et après aller en boite. C'est la technique gloton. La chemise et le calçif ça sert d'appât. Les filles de là-bas, elles foncent sur la couleur. Si tu y vas avec du marron ou du bleu-marine, ça marche pas. Faut flasher, mais pas trop. Les lamés, les paillettes, ça fait clown. Rouge ou jaune, par exemple, c'est les bonnes couleurs.
On est allé chez la Chinetoke, on a pris "chemise-dragon", un truc terrible : comme une chemise mais avec un dessin brodé dessus, les gros yeux, les crocs et la langue qui pend, le dragon furieux qui crache le feu et qui bave en même temps. Tu as le calçif assorti avec pareil, brodé sur le devant, les gros yeux, les crocs et la langue qui pend, le dragon furieux qui crache le feu et qui bave en même temps. Attend, la fille, si elle voit ça elle se demande ce qui va sortir, t'as intérêt à être à la hauteur. Moi je crains rien, mais pour le Léopard, j'ai des doutes.
J'ai acheté la rouge et j'étais content, le Léopard il a pris la jaune et il était content aussi. La Chinetoke a dit que c'est des bonnes couleurs, porte-chance. Pour faire ce qu'on va faire il en faut.

2/2

Je suis resté seul avec Pierrette et j'y ai dit, clair, que nous deux on se tiraient sur le toit, par le septième, l'échelle de fer et la trappe.
Là-haut, calme plat, on dominait la ville mais on entendait rien. On s'est assis sur un gros tuyau pour regarder le soleil se lever. Brusquement, je sais pas pourquoi, j'ai enfin dit à Pierrette ce que je voulais lui dire et que je pouvais pas. Je l'ai fait avec des sémaphores. Un truc que le père Michel m'avait expliqué. Tu dis une chose et ca veut en dire une autre. J'ai parlé de ma boite à outils, du matos, des instruments qu'il faut. Elle me regardait, bizarre, elle pigeait pas. Alors je me suis lancé. J'ai expliqué que je parlais pas de bricolage mais de sentiments. Que les vis, les boulons, les chevilles, le tenon et la mortaise c'étaient des sémaphores. Bref. J'ai fini par avouer que je la préférais à Marilyn. Que nous deux ça avait toujours été copains tout court, mais que ça pouvait changer. Elle m'a regardé, longtemps, puis s'est mise à parler. Une histoire de camion. On pourrait partir tous les deux dans un petit camion. On pourrait changer des verrous dans les petits villages, faire des clefs et des talons de chaussure, des travaux de couture, remplacer des fermetures éclair ou coudre des ourlets. On pourrait vivre comme ça, tous les deux et dormir ensemble, dans une petite caravane qui, je suppose, serait accrochée au camion.
Et puis, brusquement, elle a dit que non, c'était pas possible. Qu'on pourrait pas partir. Qu'il fallait rester, à cause des autres, Marilyn, Prun-n-ella, m'am Berthe-Lot, le Léopard et le Furet, surtout le Furet. Elle s'est mis à délirer à propos de lui et ça m'a rendu furieux.
- Ce Furet c'est une merde et un enfoiré !
- Oui, mais il a du charme, le charme gloton.
- Le charme gloton, putain de charme, putains de glotons.
J'avais la rage après lui. Je sais pas tout ce que j'ai sorti. Je faisais des bonds dans tous les sens. Pierrette me tirait par le bras en criant que j'allais me casser la gueule, tomber du toit dans la rue.
- Je m'en fous, au contraire, tant mieux, tant mieux.

Alors c'est elle qu'a pris la rage. Elle s'est levée et m'as mis son poing dans la gueule. Ca a été le détonateur. Je me suis trouvé avec une crampe d'enfer et j'ai plus eu qu'une idée : lui sauter dessus. Par surprise, avec un croc en jambes, je l'ai mise au tapis. J'étais aussitôt sur elle en train de lui arracher le peu de fringues qu'elle portait. Je me suis déloqué aussi. J'ai commencé à lui faire des trucs pas possibles, des trucs que j'aurais jamais imaginés. Elle se défendait pas. Elle me repoussait pas. Et alors je l'ai vue comme je l'avais jamais vue. Sa peau est devenue toute bleue, le visage et les mains bleus. Pas bleu foncé, bleu clair, tendant un peu sur le vert, presque fluo. Ses yeux restaient blancs et ses pupilles ont viré au jaune, un jaune intense, presque orangé. Elle disait rien, elle criait pas mais j'ai senti une putain de tension électrique.
Ca a duré, duré. A la fin, crevés, on du s'endormir puisque j'ai rêvé qu'on était dans une isba cernés par des loups. Les loups hurlaient, ça m'a réveillé, c'étaient les pompiers. Un, sur sa grande échelle, sa lance à la main, nous matait en se marrant.
Pierrette était réveillée aussi. On a ramassé nos fringues toutes déchirées.

4/2

Chez Metallico y s'embauchaient et même ils étaient contents de nous voir rappliquer. Ca avait pas l'air de se bousculer au portillon. Y avait que nous deux. Quand on a parlé de période d'essai y z'ont rigolé.
-Non, non, qu'il ont dit, c'est engagement ferme, signez ici et tenez, cash, mille euros d'avance.
Ce jour-là on devait avoir double dose de connerie dans la tête. Au lieu de flairer le coup foireux et tourner les talons on a signé et empoché la thune.
- Bien, a dit celui qui paraissait le chef, maintenant vous allez au service de sécurité. Il nous a filé à chacun un numéro sur une plaque en métal. Il a fait coulisser une porte et on s'est retrouvés dans une cour en béton. J'avais jamais vu autant de mecs et autant de chiens tassés entre quatre murs. Tous habillés style CRS mais sans le casque et le bouclier. On est passé au milieu d'eux, ils nous regardaient sans rien dire. Au fond de la cour un des types s'est avancé. Il a tâté Hardy de partout et puis moi, les bras, le ventre, le dos, les jambes et même les couilles. Puis il a fait un geste, genre : "C'est bon." et ouvert une porte en métal. C'étaient les vestiaires. Un petit vieux à lunettes a pris nos plaques à numéro et nous a conduit à des armoires. J'avais le 68 et Hardy le 69. Le vieux nous a dit de nous déloquer et mettre des combinaisons jaune fluo, le casque à torche électrique, les chaussures à crampons et une sorte de masque à gaz, mais le masque pas tout de suite. Il est parti. On l'a fait. Il est revenu avec deux cadenas, on a fermé les armoires et on l'a suivi. A l'autre bout de la pièce il a appelé un ascenseur. La cabine est arrivé, on est entrés, la porte s'est refermée. On a vu un instant, le vieux qui nous faisait un signe vague de la main, style "Bon voyage !". C'était une cabine en acier chromé entièrement fermée. On comprenait pas si on montait ou si on descendait, mais je crois qu'on descendait. On entendait des coups sourds, de plus en plus fort. Ca a fait "piouit, tin ,tin", la porte s'est ouverte.
D'abord on a vu un mec tout blanc et puis un autre tout noir. Je veux dire, c'était pas un noir et un blanc. C'étaient deux blancs, mais un était comme couvert de suie et l'autre de farine. Sur le visage y z'avaient le masque à gaz, donc ils pouvaient pas parler. Ils nous ont fait signe de les suivre. Même s'ils avaient pu parler on les aurait pas entendus au regard du boucan qui y avait, des coups sourds et des couinements de tronçonneuse.
Ils nous ont poussé dans une sorte de yourte. Une fois dedans ils ont enlevé leurs masques.
- C'est vous les nouveaux ? On vous a expliqué en quoi le job consiste ?
- Non.
- Ils auraient du. On va appeler Quasimodo.
Ils ont jacté dans un interphone. On attendu. Un moment après la porte s'est ouverte et on a vu entrer un mec. D'abord on a cru qu'il marchait à quatre pattes, en fait il était debout. C'était un mec petit qu'avait rien de pareil. Pas les deux même bras, pas les deux même jambes. Une bosse sur la tête et une autre dans le dos. Ses yeux non plus étaient pas pareil : un noir vers le haut, un gris vers le bas. Et les oreilles, une comme un gros choux-fleur, l'autre coupée au ras du crâne. Quand il a ouvert la bouche il avait pas de dents.
On voyait bien que le mec était conscient qu'il faisait peur. Il faisait des efforts pour être gentil, mais, rien que de le voir, ça foutait les jetons.
- Allons, qu'il a dit, c'est pas si terrible. Vous allez vous habituer et c'est bien payé.
Le tout noir et le tout blanc hochaient la tête pour confirmer que c'était vrai.
- Seulement vous êtes pas ici pour vous branler les couilles. Va falloir en abattre.
Il a fouillé dans un coin et a sorti des cordes et des mousquetons d'alpiniste. Il est monté sur un escabeau et de là sur une table et nous les a crochetés de partout sur la combinaison jaune fluo. Il nous a dit de mettre le masque puis nous a sortis de la yourte en tirant sur les cordes comme si on était des bestiaux. On s'est retrouvés dans le bruit.
Il a accroché les cordes à une sorte de machine et, sans prévenir, nous voilà collés au plafond. Y avait d'autres mecs suspendus. Y nous ont fait signe de cliquer vite nos mousquetons a des crochets. Heureusement qu'on a été vifs, l'espèce de grue s'est barrée. Nous, on pendaient comme des jambons.